Parti prématurément en 2017, Mohamed Abd Mouleh était plus qu’un ami et militant pour la liberté, la justice et la dignité. Il a joué un rôle clé dans le lacement du Réseau Nord-africain pour la Souveraineté Alimentaire, par l’organisation de la première rencontre du Réseau à Tunis en juillet 2017.
Je partage ces souvenirs personnels de Mohamed, étant donné qu’on était très proches au cours des dernières années de sa vie. Nous nous sommes connus en 2013, dans les manifestations de la société civile émergente en Tunisie et avons évolué ensemble durant près de quatre années au cours desquelles nous avons échangé sur des questions de préoccupation commune.
Parmi les thématiques sur lesquelles nous avons travaillé, figure le projet du Code des Eaux (encore en chantier) dont nous avons profondément discuté le contenu avec d’autres associations (Observatoire Tunisien de l’Economie, OTE, Association Eau et Développement…).
Les thématiques liées aux changements climatiques et aux alternatives citoyennes ont également constitué un axe de travail commun pour lequel des projets futurs ont été élaborés, notamment avec la Fondation Rosa Luxembourg, mais dont le départ de Mohamed a mis fin.
Enfin, le lancement du Réseau Nord-africain pour la Souveraineté Alimentaire pour lequel Mohamed a été désigné comme Coordinateur régional a couronné une série de discussions et d’actions communes avec d’autres acteurs associatifs, aussi bien de la Tunisie que de l’ensemble de l’Afrique du Nord.
Il est encore prématuré d’évaluer l’expérience du Réseau, simplement parce qu’il est toujours en construction, mais l’idée d’avoir initié sa construction et son démarrage revient indéniablement à Mohamed qui, fort de son expérience et des connaissances accumulées au cours des dernières années, lui ont fait sentir le besoin de :
Mettre en place une structure fédérative de toutes celles et tous ceux inquiets pour les conséquences du modèle extractiviste suivi par l’ensemble des gouvernements de la région ;
Initier des expériences pouvant présenter des alternatives au système de production en place et constituant des réponses aux crises récurrentes (changements climatiques, érosion de la biodiversité) ;
Construire, à une échelle régionale, un Réseau d’acteurs solidaires sur les thématiques liées à la Souveraineté alimentaire ;
Promouvoir l’agroécologie en tant que modèle alternatif aux systèmes de production en place.
Il est vrai que nous sommes encore loin des objectifs que nous nous sommes fixés au départ, mais, pour les avoir initiés, nous met face aux difficultés que nous avons rencontrés pour le développement du Réseau au cours des années ayant suivi son lancement.
En effet, la seconde rencontre du Réseau a eu lieu à Agadir, en décembre 2018, au cours de laquelle les différentes structures du Réseau ont été mises en place après avoir affiné la Charte et les Règlement Intérieur, initiés à Tunis au cours de la première rencontre.
Les deux années ayant suivi la rencontre d’Agadir ont permis d’avancer un peu (consolidation des structures, mise en place d’un site web, lancement d’études…). Même si le rythme de travail est encore lent par rapport aux défis auxquels nous faisons face et le ralentissement causé par le COVID 19, nous sommes certains que nous pourrons atteindre un minimum d’objectifs en avançant sur cette voie.
Notons cependant que feu Mohamed Abd Mouleh avait d’autres engagements non évoqués dans cette note, à savoir sa lutte contre l’endettement et son engagement politique dans la Ligue de la Gauche Ouvrière.
Mohamed était d’une simplicité exemplaire et portait en lui un potentiel énorme que la mort a subitement arrêté. Que la voie qu’il a tracée soit suivie par tant de militant(e)s croyant en les causes qu’il a défendues et qui demeurent, hélas, d’une acuité indéniable ! Son départ prématuré est réellement une perte pour tous les progressistes de la région, et le plus grand hommage qu’on puisse lui rendre, c’est de continuer à travailler sur les thématiques qu’il a initiées et de contribuer à édifier des structures pouvant canaliser les luttes des plus démunis, pour un monde libre, juste et digne !
Mohsen KALBOUSSI