Les pays de la Méditerranée, et en particulier ceux d’Afrique du Nord (du Maroc à l’Egypte), vont-t-ils entrer dans une période marquée par une crise alimentaire inédite ? En effet, si l’on peut observer que les indicateurs de prévalence de la sous-alimentation et de l’insécurité modérée ou sévère se sont améliorés au cours de ces dernières années dans cette région du monde1 -et cela jusqu’à la crise sanitaire-, les niveaux d’inflation sans précédent enregistrés au cours de ces deux dernières années (2021-2022) dans ces derniers pays contribuent aujourd’hui à une détérioration du pouvoir d’achat de leurs populations, et plus sévèrement celui des classes populaires2. Cette inflation, qui s’est conjuguée depuis 2020 avec de très nombreuses perturbations dans la distribution des denrées alimentaires de base, menace-t-elle à l’avenir la stabilité de leurs approvisionnements alimentaires.3?
Les certitudes d’une alimentation garantie par les Etats de la région sont fortement ébranlées par deux évènements majeurs : il s’agit, d’une part, de la crise des marchés mondiaux des matières premières agricoles et de l’énergie avec des effets directs sur les prix des produits alimentaires de base (céréales, produits laitiers, sucre, huiles…) et des intrants agricoles (engrais azotés, urée, ammonitrate et carburants) ; cette mauvaise conjoncture des marchés a été aggravée, d’autre part, par la guerre Ukraine-Russie, deux pays qui occupent une place majeure dans les échanges mondiaux de ces produits.
Les cours mondiaux des produits agricoles en hausse en 2020-2021 accentués par la guerre Russie-Ukraine
La crise des marchés et les hausses des cours des matières premières et des intrants qui lui ont succédé se présentent d’abord comme une conséquence de la crise sanitaire du COVID-19 ouverte dès le printemps de l’année 2020. La guerre Russie-Ukraine déclenchée le 24 février 2022 accentuera une endance à la hausse des cours des matières premières agricoles et des engrais
Si en 2019, les prix des produits alimentaires et des matières premières agricoles avaient été caractérisés par une tendance à la baisse, la conjoncture économique marquée par la crise sanitaire a fait que tous les prix des produits agricoles ont enregistré une forte augmentation lors de la dernière campagne commerciale 2020-2021.
Si en 2019, les prix des produits alimentaires et des matières premières agricoles avaient été caractérisés par une tendance à la baisse, la conjoncture économique marquée par la crise sanitaire a fait que tous les prix des produits agricoles ont enregistré une forte augmentation lors de la dernière campagne commerciale 2020-2021. Entre mai 2020 et mai 2021 interviennent des achats massifs de céréales par la Chine dans un contexte de baisse des stocks aux États-Unis en juin 20214. Les prix du blé tendre qui tendait vers 200 dollars la tonne dans les années 2011-2012 atteignaient des montants qui oscillaient autour de 290 dollars la tonne FOB5 au cours du dernier trimestre 2021. Dès août 2021, l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), un des acteurs clés dans les marchés du blé, payait des livraisons en septembre 2021 de blé tendre d’origine française, avec un coût traité dépassant même très largement les 300 dollars la tonne6. Le blé dur qui était acquis sur les marchés mondiaux à 300 dollars il y a moins de 10 ans, atteignait le montant de 430 dollars la tonne FOB fin 2021. A cette date, le maïs se vendait autour de 240 dollars la tonne, et la poudre de lait écrémé se négociait à plus de 3500 la tonne (FOB) contre 2000 dollars la tonne en 2015. Les prix ont bondi en mai 2021 de près de 40 % sur un an, atteignant leur plus haut niveau en septembre-octobre-novembre 2021, selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture). La hausse était de 88 % pour le maïs, 73 % pour le soja, 28 % pour le blé et les produits laitiers, et 34 % pour le sucre
L’examen de l’évolution des indices des prix des principaux produits alimentaires de base, montre que les hausses les plus marquées au cours du quatrième trimestre de l’année 2021 concernent les céréales, les produits laitiers, le sucre, et plus modestement la viande et les huiles végétales, produits qui représentent en 2020 l’essentiel des importations alimentaires des pays du sud de la Méditerranée.
Figure : Evolution des indices des prix des denrées alimentaires (2020-2021)
L’examen de ces indices montre qu’il y a une augmentation de 40,5% pour les céréales, de 28,2% pour les produits laitiers, de 78,5% des huiles végétales et de 16,4% pour le sucre pour la même période. Cette hausse des prix agricoles, qui n’avait jamais été aussi élevée depuis 2012 ; a été une conséquence d’une reprise des importations de la Chine -qui est devenue lors de la campagne 2020/2021 le premier importateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires-, d’une hausse des prix de transports et à des restrictions temporaires des exportations, mise en œuvre dans un certain nombre de pays producteurs (Russie, Pologne, Roumanie, Bulgarie, Argentine…)7.
La crise ukrainienne prendra ensuite le relai pour relancer les cours en février 2022
Depuis le début de la guerre, le blé tendre a augmenté de 50 % pour atteindre 450 dollars la tonne. Les prix mondiaux des huiles végétales ont augmenté de 23 %, du sucre de 7 % et la viande 5%.
L’Algérie va ainsi acheter 600.000 tonnes de blé meunier, d’origine française à 485 dollars la tonne (coût et frais) à chargement mars-avril 20228. L’Égypte, premier importateur de blé tendre dans le monde, va acquérir quant à elle, 240 000 tonnes de blé tendre français pour chargement fin mai, à un prix de 492,25 dollars la tonne9. La situation du marché du maïs est plus tendue que celle du blé, suite à des accidents climatiques survenus au Brésil et en Argentine. Avec la guerre qui empêche les semis en Ukraine, le marché mondial du maïs ne pourra pas compenser les livraisons de l’Ukraine (15% du marché mondial), ce qui aura pour effet, un renchérissement des aliments du bétail et des difficultés pour l’approvisionnement en viandes, lait et autres produits animaux.
Depuis 60 ans, jamais l’accès aux denrées alimentaires de base n’avait été aussi coûteux en termes réels
A signaler que dans tous les pays de la Méditerranée du Sud ou de l’Est, des redéploiements de stratégies commerciales ont été à l’œuvre en raison de la fermeture des marchés russe et ukrainien, et en particulier de la part de pays fortement liés à ces marchés (Liban, Égypte, Turquie, Libye, Tunisie ou dans une moindre mesure le Maroc). Afin de consolider leurs stocks stratégiques avant la clôture de l’année commerciale, tous les pays importateurs nets se sont activés pour compléter leurs achats dans d’autres régions exportatrices10. Ces interventions qui se sont conjuguées à des mesures de suspension de leurs exportations alimentaires (comme c’est le cas en Algérie ou en Egypte) visaient à sécuriser leurs approvisionnements internes11.
Au-delà de ses effets directs sur l’équilibre offre-demande de grains dans le monde, le conflit ukrainien a déclenché une spirale de hausses des coûts de production agricoles.
Une hausse des coûts de production agricole induite par la flambée des prix des intrants
Il faut signaler que la hausse des prix des céréales a été accompagnée d’une flambée des coûts des engrais chimiques et de l’énergie. Les prix des engrais ont augmenté de 82 % sur un an et les prix de l’énergie de plus de 35 %. Si les coûts des intrants agricoles (semences, engrais, carburant, aliments du bétail) étaient en progression constante depuis septembre 2020 dans un contexte de pression sur les marchés mondiaux lié à la crise sanitaire, puis à la reprise économique post-Covid, la guerre en Ukraine va finir par raviver ces tensions sur le marché mondial des intrants agricoles. A titre d’exemple, le prix de l’engrais azoté sur le marché français est ainsi passé de 230 euros la tonne début avril 2021 à 845 euros la tonne un an plus tard. Pour les éleveurs, le prix des aliments pour animaux a quant à lui enregistré une augmentation de 14,6 % en février dernier par rapport à février 2021, du fait de l’augmentation du prix des céréales et des oléagineux. Dans le détail, le prix des aliments porcins a progressé de 17,5 % sur un an, celui des aliments pour volailles de 15,1 % et celui des aliments pour vaches laitières de 12,5 %.12 En raison du modèle technique intensif retenu dans ces pays, à fort contenu de consommation de produits chimiques, de semences fournies par les grandes firmes et de machines importés, les hausses des prix des intrants affecteront sévèrement les coûts de production. Les utilisateurs de ces produits transféreront naturellement ces coûts sur les prix à la consommation, ce qui contribuera à une baisse du pouvoir d’achat des classes populaires .
Il sera très difficile actuellement pour les grands importateurs d’engrais azotés (Brésil et Argentine) de trouver des alternatives aux flux provenant de Russie, premier exportateur d’engrais dans le monde.
La guerre en Ukraine alimente ainsi une dangereuse spirale de hausse des prix et des coûts agricoles qui est un puissant vecteur d’inflation dans le monde. Exprimé en pouvoir d’achat relativement aux biens industriels, le prix de ces matières agricoles a dépassé en mars son plus haut niveau historique atteint lors de la crise de 1973, lorsque les États-Unis avaient imposé leur embargo sur le soja et l’OPEP celui sur le pétrole. Cette inflation agricole qui se poursuivra, porte un coup très sévère à la sécurité alimentaire régionale et dans le monde, ainsi qu’à la consommation populaire. Elle pose l’exigence de construire un modèle productif national affranchi des marchés mondiaux, d’une reconquête de la souveraineté alimentaire fondée sur un plus large usage de semences locales plus rustiques et résistantes au stress hydrique, et de la définition d’un modèle technique agricole puisant dans des pratiques et savoirs-faire paysans enrichis par les principes universels de l’agroécologie moderne.
Si l’accroissement de la demande alimentaire, et notamment du blé, ne peut être couvert en totalité dans la majorité des pays d’Afrique du Nord – qui sont un pôle régional très dépendant des marchés mondiaux pour ses approvisionnements- par l’offre locale, il est possible d’améliorer les productions locales en mobilisant davantage les capacités productives de la paysannerie dans chacun des pays.
Quel avenir pour la sécurité alimentaire en Afrique du Nord?
Représentant un peu plus de 2,5% de la population en 2022, la région Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte) concentre aujourd’hui avec l’achat d’un peu plus de 30 millions de tonnes, un peu plus de 15% de l’offre de blé échangé dans le monde ; elle est devenue cette année commerciale 2021-2022, la principale région importatrice de blé dans le monde.13 Face à la crise politique ouverte par le conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie, si cette région a réussi à couvrir ses besoins dans le court terme, et ceci au prix d’une mobilisation croissante de ressources budgétaires, elle sera vraisemblablement confrontée dès la prochaine campagne commerciale 2022-2023 à une situation marquée par de grandes incertitudes pour ses approvisionnements extérieurs. Si les pénuries de céréales ont été écartées dans un certain nombre de pays qui étaient très dépendants des marchés russe et ukrainien (Egypte, Tunisie et Libye) grâce aux disponibilités offertes par d’autres pays exportateurs nets (l’Union européenne, l’Argentine ou l’Inde), il est permis de s’interroger sur les perspectives de moyen et long terme créées par la fermeture des marchés russe et ukrainien. Les excédents de blé qui seront dégagés en Europe (la France et l’Allemagne pour l’essentiel) ou d’autres régions du monde (Amériques, Australie ou l’Inde) seront-ils à l’avenir en mesure de suppléer aux défaillances des marchés ukrainien ou russe dans l’hypothèse d’un prolongement –probable – du conflit ? Il faudra en effet compenser le retrait du marché de près de 50 millions de tonnes de blé issues d’Ukraine et de Russie pour satisfaire une demande d’importation qui restera soutenue, et gérer ainsi des tensions sur les marchés mondiaux déjà insoutenables – bien avant le déclenchement du conflit ukrainien- pour un certain nombre de pays dépendants fortement de ces marchés pour leurs approvisionnements14.
Si plusieurs records mondiaux de production de céréales en particulier autorisaient depuis 2012 de maintenir sous contrôle cette volatilité des prix, il n’est pas certain que cette situation perdure à l’avenir en raison, d’une part, de prises de décisions politiques de pays producteurs soucieux de garantir en priorité leurs approvisionnements (avec des mesures fiscales et/ou des restrictions et/ou des interdictions des exportations), et d’autre part, de la fermeture des marchés russe et ukrainien. Dans ce contexte géopolitique incertain et de conflits latents, la durabilité de l’approvisionnement sur les marchés mondiaux est une question de taille.
Les pays de la Méditerranée les plus vulnérables sur le plan alimentaire (Liban, Tunisie, Egypte, Libye et Maroc) disposeront-ils de capacités financières pour acquérir les denrées alimentaires qui seront de plus en plus chères, et pour poursuivre dans le même temps, non seulement le soutien sur le marché national du prix du pain, mais aussi les prix des céréales payés aux producteurs locaux? .
L’inflation affectant les prix de l’énergie, des intrants agricoles ou la spirale de hausse des prix des produits alimentaires de base, qui s’accompagnent souvent de la dévaluation des monnaies locales (par rapport au dollar des Etats-Unis) constituent d’autres facteurs de risques économiques pour les pays dépendants.
Les défis posés par les menaces d’une insécurité alimentaire régionale qui se dessine dans le moyen et long terme exigent ainsi d’agir en mobilisant plusieurs leviers.
Agir sur plusieurs leviers : internes pour accroitre les productions, externes pour contrôler les marchés mondiaux
Même si les conditions agro-climatiques constituent une limite naturelle à un accroissement significatif des productions pour couvrir une demande de produits de base en croissance constante, il sera nécessaire de consacrer davantage de surfaces aux productions de base (en substitution aux productions exportées) dans un certain nombre de pays, et de réorienter les subventions, accordées aujourd’hui au profit des cultures d’exportation vers les productions de base (céréales, lait, etc.). Afin d’améliorer les approvisionnements locaux, il sera également nécessaire lors des prochaines campagnes commerciales, d’accroître les taux nationaux de la collecte de blé et de lait local en veillant à fixer des prix rémunérateurs aux producteurs de céréales et de lait, et de réduire les pertes de post-récoltes. Des investissements publics plus importants couplés à des incitations économiques et à un encadrement technique amélioré au profit des petits exploitants agricoles constituent un autre levier que les pays sont appelés à mobiliser. Des observatoires de suivi des marchés pour accroître la prévisibilité des coûts des importations, de meilleures capacités de stockage pour mieux réguler les achats de blé15, et une expertise dans les négociations utilisant les instruments de gestion des marchés des produits de base peuvent également être mis davantage au service des politiques commerciales. Ces mesures de court terme ne pourront être efficaces que si l’on réforme de fond en comble les accords de libre-échange, de désarmement douanier, et spécialisations portant sur des cultures d’exportation qui ont été imposés aux pays d’Afrique du Nord dans le cadre d’une division injuste du travail. Par ailleurs, le changement climatique qui affecte fortement les pays du sud de la Méditerranée et menace la sécurité alimentaire, appelle des réponses techniques et politiques plus appropriées. Les plans d’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques doivent impérativement être mis en œuvre afin de faire obstacle aux baisses des productions céréalières prévues par les experts et bénéficier de réels soutiens financiers16. La responsabilité des pays développés dans les changements climatiques en cours et subis par les régions sud de la Méditerranée, exige que davantage de fonds verts soient alloués pour appuyer les politiques locales d’adaptation aux changements climatiques.
Des actions fortes à l’échelle régionale et/ou internationale devraient être engagées afin d’éviter les situations d’insécurité alimentaire qui s’annoncent et de contrer les comportements spéculatifs des négociants de blé. Il en est ainsi des initiatives, tant de la FAO que d’autres organisations internationales (PAM, UNICEF, PNUD, FIDA…). Aucun des grands pays importateurs ne dispose de stocks régulateurs des marchés mondiaux, et il serait utile d’impliquer, les grands pays producteurs –y compris la Chine et l’Inde- pour participer à la libération des stocks disponibles en fonction des besoins. Il s’agit enfin d’organiser la solidarité internationale avec les pays en difficulté. Celle-ci doit mobiliser plus efficacement l’aide alimentaire que le Programme Alimentaire Mondial porte aujourd’hui, mais aussi s’orienter vers la promotion de coopérations internationales portant sur des systèmes de recherche agronomique et d’innovations techniques. Cette solidarité internationale ne serait qu’un juste retour des choses, puisqu’au milieu du XIXème siècle les colonies du sud furent mises à contribution pour approvisionner en nourriture les pays européens qui accusèrent lors de la guerre de Crimée (1853-1856) un déficit en blé provoquant une insécurité alimentaire pour leurs populations17.
De la sécurité à la souveraineté alimentaire
La crise actuelle questionne aujourd’hui fortement les modèles de croissance agricole fondés sur des principes néo-libéraux. Elle appelle non seulement à renforcer les bases productives du secteur agricole, mais aussi à réduire le déficit des productions stratégiques (céréales, lait, sucre et huiles alimentaires), de renforcer l’autonomie du secteur agricole et agro-alimentaire par rapport aux marchés extérieurs et l’accès des paysans aux ressources (matérielles, foncières et financières). Elle appelle à renforcer les fondements d’une politique agricole visant à assurer une production suffisante au niveau national, à promouvoir les agricultures familiales qui encouragent les productions vivrières, à mettre en œuvre les mesures d’adaptation au changement climatique pour garantir la durabilité de la production agricole, et enfin à favoriser l’accès à une alimentation saine pour les populations les plus vulnérables.
Cette approche pose l’exigence d’une sortie de la logique néo-libérale et la définition de politiques publiques assises sur de nouveaux paradigmes économique et technique.
Il convient en d’autres termes, de jeter les jalons conduisant à une souveraineté alimentaire visant à produire localement ce qui peut l’être, et à ne mobiliser les marchés extérieurs que pour acquérir les produits qui ne peuvent pas l’être (café, thé, épices…).
Il s’agit en définitive d’asseoir un nouveau paradigme technique agricole parachevant l’œuvre de décolonisation d’un système technique agricole fortement consommateur de produits chimiques, de pesticides et d’équipements agricoles souvent importés, système inspiré des pays du nord aux conditions agro-climatiques bien différentes des pays d’Afrique du nord. Il est grand temps, d’une part, de se réapproprier les pratiques savantes de paysans qui avaient su tirer profit de ressources souvent fragiles en inventant des systèmes techniques durables, et de valoriser, d’autre part, des savoir-faire techniques paysans, et d’engager une transition agroécologique et énergétique. La reconquête du premier maillon de la souveraineté alimentaire –celles des semences locales-, la diversification des systèmes de culture, la protection de la biodiversité locale, et des patrimoines génétiques locaux, sont des objectifs essentiels pour répondre aux multiples défis (économique, social, sanitaire, climatique) auxquels sont confrontés les pays d’Afrique du Nord.
Omar Bessaoud
Economiste agricole. CIHEAM-Montpellier /France
bibliographiques
- Voir le Rapport FAO (2021). Etat de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le monde. 240 p
- Les taux d’inflation enregistré en 2021 sont de 7,5% en Tunisie, 7,3% en Egypte, 4,7% au Maroc et 9,2% en Algérie
- Voir le quotidien d’information « La presse » en Tunisie du 22 février 2022. A noter que les autorités publiques de tous les pays d’Afrique du Nord sont intervenues afin de plafonner le prix du pain et de rassurer les populations sur l’état des stocks de produits alimentaires de base disponibles dans chacun des pays
- Ces stocks se situaient à 580 millions de boisseaux (un boisseau US de blé vaut 27,21 kg). Ce niveau était le plus bas enregistré depuis 14 ans
- FOB : Free On Board, c’est-à-dire libre de taxes
- L’OAIC a payé 349,50 $/tonne C&F des livraisons en septembre 2021 et portant sur près de 300 000 tonnes de blé tendre d’origine française
- Rapport Cyclope. 2021
- Toutes les données portant sur ces achats et les prix sont rapportées par le site Terra-net Média spécialisé sur les marchés des produits agricoles
- Pour la même période, et dans l’objectif de consolider ses stocks stratégiques, ce pays a aussi acheté dans le cadre du même appel d’offres 50 000 tonnes de blé bulgare à 480 dollars la tonne et 60 000 tonnes de blé russe à 460 dollars la tonne, toujours à destination. Paradoxalement, les importantes quantités importées par les pays d’Afrique du Nord, notamment l’Algérie et l’Egypte, contribueront aussi à la hausse des cours (in Terra-net média du 8 Avril 2022)
- 9 Début mars 2022, le ministre algérien assurait que son pays disposait « d’un stock de céréales suffisant jusqu’à la fin de l’année, et ne sera pas affectée par les changements survenus au niveau mondial ». L’Egypte annonçait l’acquisition d’un stock de 6 millions de tonnes pour l’année 2022 –soit 6 mois de consommation-, un volume en hausse de 2,4 millions de tonnes par rapport à la saison précédente. Les produits stockés comprennent le sucre, 5,6 mois, l’huile et le riz, 5,9 mois chacun, la volaille, 7,8 mois et la viande vivante, 16,6 mois ; le directeur général de l’Observatoire national de l’Agriculture au ministère de l’Agriculture de la Tunisie annonçait fin février 2022 que les stocks de céréales étaient suffisants jusqu’au mois de juin prochain ; pour faire face à une sécheresse exceptionnelle qui affecte son pays le ministre de l’agriculture marocain annonce la constitution de stocks de céréales, de sucre et d’huiles de table, mais également les semences et les pesticides, et le chef de la fédération nationale de la minoterie au Maroc annonçait en mars dernier des stocks de blé pour couvrir cinq mois de consommation
- 10 Même des pays ayant des positions plus confortables sur les marchés ont pris des initiatives pour suspendre l’exportation de leurs excédents de produits alimentaires (Hongrie, Moldavie, Bulgarie…)
- Données du système d’information français agricole « Agreste »
- Tanchum, M (2021). The fragile state of food security en the Maghreb. Middle East Institute. NW, Washington. Plus globalement, le Département américain pour l’agriculture (USDA) estimait en 2021 que l’Afrique du Nord émergera durant la saison commerciale 2021-2022 comme le premier pôle d’importation mondial de blé avec près de 29,4 millions de tonnes importées, surpassant ainsi l’Asie du Sud-Est (27,1 millions de tonnes). Voir également Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2021-2030. Principaux éléments des projections
- Invoquant la crise sanitaire et les accidents climatiques récurrents dans les régions productrices de céréales, de nombreux analystes signalaient que « les prix du secteur alimentaire seront encore plus volatils que par le passé ». Analystes de Tallage/Stratégie Grains, un cabinet d’études agro-économiques spécialisé dans les marchés européens et mondiaux des grains et des oléagineux
- Les niveaux de stockage restent dans une majorité de pays importateurs insuffisants (4 Millions de tonnes au Maroc, 3,5 Millions de tonnes en Algérie, moins de 0,7 millions de tonnes en Tunisie et un peu plus de 4 M de tonnes en Egypte)
- Les experts du GIEC annoncent que « la Méditerranée se réchauffe déjà 20 % plus vite que le reste du monde », et que des baisses de production s’annoncent dans les pays de la région MENA, causant ainsi une hausse de leur vulnérabilité et de leur dépendance aux importations
- Par un paradoxe que seule l’histoire nous enseigne, la guerre de Crimée de 1853-1856 eu pour effet la fermeture du marché de la Mer noire et le déclenchement d’une crise dans l’approvisionnement en blé de l’Europe, ayant eu pour conséquence des émeutes de la faim. Le blé dur d’Algérie fut d’un grand secours pour la France du IIème Empire. Voir article de Wouter Ronsijn. Des « émeutes de la faim » à l’heure de la mondialisation du marché des denrées alimentaires 1854