Le changement climatique en Tunisie, entre approches institutionnelles et réalité paysanne



La Tunisie s’en engagée lors de la 21ème Conférence des Parties (COP 21)« à réduire de 41% ses émissions de CO2, à l’horizon 2030. Une part de 13% de cette réduction sera une contribution volontaire et non conditionnée, alors que le reste, soit 28% sera mobilisé pour le financement, le transfert des technologies et le renforcement des compétences en matière d’adaptation aux changements climatiques. »[1].

Cet engagement prononcé par le Premier Ministre tunisien à Paris exprime la détermination de la Tunisie à endosser sa part de responsabilité et à contribuer à l’effort mondial dans la lutte contre le réchauffement climatique. Une stratégie Nationale[2] avait d’ailleurs était mise en place en amont (publiée en octobre 2012) dans le cadre de la mise en œuvre de la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique, et cela avec l’appui de la coopération allemande GIZ. Elle propose trois scénarii[3] et en évaluent l’impact à perspective de 2020 et 2050 :

  • Tout économique : poursuite d’un modèle de développement basé sur la performance économique et… « Sur le plan climatique, le scénario s’appuie sur la persistance d’une image de « bon élève » auprès de la communauté internationale. ».
  • Priorité au social : une politique qui vise en priorité le rééquilibrage spatial et social du territoire avec une approche double de cohésion sociale et de réalisme économique.
  • Volontarisme écologique : adoption d’une approche proactive et adapte son développement économique et social à ce nouveau contexte.

[1] Extrait de la déclaration du Premier ministre tunisien à Paris à l’occasion de la COP21, décembre 2015.

[2]Stratégie Nationale sur le Changement Climatique, République Tunisienne – Ministère de l’environnement et la coopération allemande au développement GIZ, octobre 2012.

[3]Idem.

Le gouvernement tunisien n’a pas annoncé clairement quel scénario a finalement été retenu, mais ses choix de développement économique et son attitude de suivisme nous poussent à croire qu’il a opté pour le scénario « tout économique » en dépit de son inefficacité à moyen termes prouvée par la stratégie nationale. Ce choix implique une sensibilité extrême au jeu pétrolier et un très fort besoin d’adaptation. Nous nous attendons donc qu’à l’occasion de la conférence des parties, la Tunisie négocie en mettant en valeur ses besoins en adaptation et présente une politique qui priorise la protection de la population vulnérable et soutienne les secteurs sensibles, notamment le secteur agricole. Il n’en est pas le cas, tel que nous allons le voir dans cet article.

L’inégalité face au changement climatique

Réchauffement climatique, à qui incombe la responsabilité ?

Il est légitime, maintenant que la responsabilité de l’Homme dans l’accélération du changement climatique est prouvée, de se demander à qui incombe la dette écologique que l’Humanité tente désespérément combler par des mesures de réduction des émissions de CO2 et de lutte contre le réchauffement.

La Tunisie occupe la 74èmeplace du classement des paysselon leurs émissions CO2, celles-ci s’élevaient en 2011 à 25643 kilotonnes, soit0,8% des émissions mondiales de la même année[1], bien loin derrière des pays tels que la Chine ou les Etats Unis, tel que l’indique le graphique suivant[2] :


[1]Actualis, Atlas de statistiques sur les pays

[2] https://fr.actualitix.com/pays/wld/emissions-de-co2-par-pays.php

Parmi les plus gros pollueurs mondiaux, certains font peser une dette écologique colossale sur la planète. Car pendant des décennies, ils ont libéré du CO2 sans compter, épuisé les ressources et pollué à tort et à travers sans aucune contrainte. Ils sont directement responsables de l’accélération du réchauffement climatique et de ses effets désastreux sur l’environnement. A titre d’exemple, en 1960, la Tunisie émettait à hauteur de 0,6 tonnes métriques par habitants, pendant que des pays tels que le Canada, les Etats Unis ou le Royaumes Unis affichaient des émissions à deux chiffres[1].

L’approche adoptée par la COP pour déterminer la contribution de chaque pays dans l’effort mondial de réduction des émissions fait complètement abstraction de cette dette faisant endosser la responsabilité de la course à l’industrialisation à des pays qui n’y ont pas pris part. Il s’agit d’une amnistie pure et simple accordée sans conditions aux pays industriels et aux multinationales permettant ainsi de les soustraire à l’obligation de rendre compte et réparer les dégâts.

Or, à la dissymétrie de traitement de la question de la dette écologique, s’ajoute une inégalité dans les risques encourus par les pays à cause du changement climatique, tel que nous allons le voir dans le paragraphe prochain.

Atténuation et adaptation, quels enjeux des pays du Sud ?

En réalité, il existe deux stratégies pour faire face au changement climatique : l’atténuation et l’adaptation. « L’atténuation qui […] consiste à freiner l’évolution en agissant à la source, à savoir l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Pour cela, le constat est sans appel : il faut en réduire les émissions. La deuxième stratégie est l’adaptation. Elle vise à optimiser la gestion des conséquences du changement climatique en amoindrissant la vulnérabilité aux impacts négatifs et en tirant le meilleur parti des impacts positifs.[2] ». Dans les pays pauvres et sous-développés, qui n’émettent qu’une part minime de CO2, le dilemme est le suivant : faut-il aller vers l’atténuation en mettant des freins le développement, ou aller vers l’adaptation et se préparer à affronter les effets du changement ?

Les risques liés aux changements climatiques varient selon deux paramètres principaux : la position géographique du pays et son emplacement sur la carte des risques météorologiques ; et la situation sociaux économique de la population. D’autres facteurs tels que moyens financiers et technologiques du pays, l’infrastructure ou la superficie du territoire entrent en compte.

Le Sud de la Méditerranée cumule un ensemble de facteurs qui en fait l’une des zones qui seront les plus affectées par le changement climatique avec une élévation générale des températures, des sécheresses prolongées, une remontée du niveau de la mer, la salinisation des nappes phréatiques, un dérèglement des saisons, etc. Les effets attendus du changement climatique restent vaguement définis, car il est difficile de modéliser l’ensemble des impacts directs et indirects et leurs effets sur les écosystèmes de façon exhaustive, d’autant plus que les composantes du climat évoluent de façon systémique.L’adaptation à de telles conditions sera très coûteuse à la fois pour les Etats et pour les populations. Autant dire que l’investissement des Etats pauvres et à hauts risques climatiques dans l’adaptation constituent un enjeu bien plus important pour l’humanité que leurs effort de réduction des émissions de CO2, d’autant plus que celles-ci ne constituent qu’une poussière en comparaison avec celles d’autres pays.

Cet extrait du rapport de stratégie nationale sur le changement climatique décrit le cas de la Tunisie :

« La Tunisie présente une situation particulière de vulnérabilité environnementale du fait de ses ressources naturelles limitées (notamment hydriques), son climat particulièrement contraignant par son aridité et sa forte variabilité, la désertification rapide de son territoire, etc. A cette vulnérabilité naturelle s’ajoute une pression anthropique croissante sur les écosystèmes et les ressources naturelles. […] Mais les effets des changements climatiques menacent aujourd’hui de rompre cet équilibre précaire. Ils se manifesteront de deux manières : d’une part, à travers l’augmentation directe des températures et la baisse des précipitations ainsi qu’une modification de leur régime et répartition saisonnière puis d’autre part, par l’élévation accélérée du niveau de la mer (EANM). Les vulnérabilités à l’œuvre seront à la fois de nature environnementale mais aussi de nature socio-économique et mettent en évidence l’extrême interdépendance qui existe entre elles. »[3]

L’Etat Tunisien semble conscient des enjeux qui se dessinent en perspective et on s’attend à ce que la Stratégie Nationale aborde le volet de l’adaptation en priorité. Ce ne sera pas le cas, car la voie choisie par la Tunisie se dessine parfaitement à travers les besoins en financements présentés par la délégation tunisienne lors de la COP21 en 2015[4] :


[1] Banque Mondiale : https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC

[2] Entre atténuation et adaptation. Des approches européennes du changement climatique, Benjamin Garnaud, 2010.

[3] Stratégie Nationale sur le Changement Climatique, Rapport de stratégie, octobre 2012.

[4] Convention Cadre des Nations Unis sur les Changements Climatiques, Contribution Prévue et Déterminée au Niveau National – Tunisie – 2016.

On remarque en effet que les financements envisagés par la Tunisie pour atténuer les émissions de CO2 représentent neuf fois ceux demandés pour l’adaptation. Nous pouvons dire qu’une priorité absolue est accordée à l’effort de réduction des émissions, au dépend du renforcement de la résilience face aux effets du changement climatique.

Notons aussi que le secteur agricole bénéficie, dans les deux budgets, d’une part ridicule du financement : 5% du montant dédié à l’atténuation et 1% de celui prévu pour l’adaptation. Autant dire que l’agriculture et la paysannerie tunisienne affronteront seuls les effets désastreux du changement climatique, bien qu’une part conséquente soit consacrée à l’eau avec dont des retombées potentielles sur le secteur.

Qu’est-ce que le changement climatique pour les paysans tunisiens ?

Quelques chiffres sur l’agriculture tunisienne

Tout d’abord, dressons un portrait rapide du milieu rural agricole tunisien. La dernière enquête publiée sur la structure des propriétés agricoles en Tunisie remonte à 2006[1], elle estime le nombre d’exploitations agricoles à 516 000 unités. 54% des exploitations disposent de moins de 5 Ha et 75% ont moins de 10 Ha ; seulement 3% de l’ensemble des exploitations couvrent 50 Ha et détiennent 34% des superficies agricoles.De fortes inégalités caractérisent donc le secteur avec des phénomènes d’accaparement et de morcellement importants.

Il s’agit du seul secteur qui voit sont employabilité diminuer, il a perdu 160.000 emplois entre 1994 et 2014[2]. Cela se traduit par un dépeuplement du monde rural et un exode vers les villes côtières. Il s’agit aussi d’un secteur qui s’appauvrit, se précarise et s’ « informalise », seulement 36,7%[3] de la main d’œuvre bénéficie d’une couverture sociale et la force de travail est de plus en plus constituée de main d’œuvre féminine docile, saisonnière et bon marché.

En termes de valeur ajoutée et de contribution au PIB, le secteur agricole tunisien a dégringolé d’une moyenne de 20% dans les années 70 àune moyenne de 9% les dix dernières années. Mais il faut noter que la plus grande part de la valeur ajoutée est accaparée par les intermédiaires, les commerçants et les exportateurs (Voir article sur le sujet). Aucun chiffre officiel sur le revenu agricole en milieu rural n’est disponible, mais, l’agriculture continue à employer près de 15% des occupés et de constituer le revenu principal dans les régions intérieures.


[1]Ministère de l’agriculture et des ressources hydrauliques, Enquête sur les structures d’exploitation agricoles 2004-2005, janvier 2006.

[2]Institut National de la Statistique

[3]Idem.

L’appauvrissement du secteur agricole se répercute directement sur la population rurale et la paysannerie. Pour maintenir leur activité, les petits et les moyens agriculteurs sont obligés de contracter des dettes auprès des banques et/ou auprès des détaillants d’intrants ou les entreprises d’agroalimentaire. Aucune étude n’a été réalisée pour mesurer l’endettement des petits agriculteurs auprès des commerçants, mais auprès de la Banque Nationale Agricole « L’endettement global agricole[auprès des banques] s’élève à 1760 millions de TND dont 760 millions de TND échus (43 %) pour 120 000 agriculteurs (23% du nombre total des exploitations) dont 72% de petits agriculteurs disposant de dettes inférieurs à 4 000 dinars. »[1]. Les arboriculteurs sont les plus touchés par l’endettement, ils cumulent 40% de la dette, suivis par les éleveurs 20%, et les cultivateurs de céréales 17%. De plus, en nous intéressant aux causes de l’endettement, nous constatons que les aléas climatiques sont en haut de liste, notamment en l’absence d’un mécanisme efficace de couverture des risques[2].

La masse de paysanne tunisienne est constituée essentiellement d’ouvriers agricoles et de petits et moyens agriculteurs. Comme l’illustre parfaitement les chiffres, cette population s’est dramatiquement appauvrie et glisse vers la précarité. Au vu de son emplacement géographique et de la fragilité de sa situation socioéconomique, elle sera très affectée par le changement climatique et aura beaucoup de mal à s’adapter et à maintenir son activité.

Le changement climatique vu par les paysans tunisiens, les signes et leurs répercussions

Loin des Conférences internationales en grandes pompes, marché de la nature, les petits et les moyens agriculteurs sont aux premières loges pour assister aux effets directs du changement climatiques sur leurs exploitations et leur mode de vie. Ces deux exemples, parmi ceux rencontrés au cours de nos enquêtes de terrains, sont très éloquents :

  • Dérèglement des saisons, exemple de la production des agrumes au Cap Bon

Habituellement, au mois de juin, la température augmente au Cap Bon, les orangers sont en fleur, la chaleur provoque un processus de sélection naturelle et l’arbre perd l’excédent de fleurs pour ne garder que la quantité de fruits qui peut arriver à maturité dans de bonnes conditions. Juin 2016, cette vague de chaleur caractéristique de la saison printanière a pris du retard… Les grands producteurs d’agrumes,alertés par leurs ingénieurs agronomes, ont pu réagir à temps et investir pour sauver la récolte, soit endébarrassant manuellement les arbres du surplus de fleurs ou en dopant de fertilisants chimiques les arbres fruitiers. Les petits et les moyens agriculteurs, quant-à-eux, se sont retrouvés avec une surproduction d’agrumes dont la taille n’atteint pas les normes européennes. En réalité, le marché d’exportation n’atteint pas les 10% de la production, mais il influence fortement le prix, il s’en est suivi une chute dramatique du prix au niveau du marché local, faisant vendre les paysans leur récolte à perte. (selon les variétés : Thomson: – 30% ; Maltaise: – 33% ; Clémentine: – 45%)[3].


[1] Tunisie, financement du secteur agricole, FAO, 2013

[2] Idem

[3]http://www.leaders.com.tn/article/21516-les-oranges-en-tunisie-et-dans-le-monde

Evolution vente marché local[1]

Face à cette situation imprévue créée par le changement climatique, les paysans sont désarmés et ne bénéficient d’aucun soutien de l’Etat. L’épisode de dérèglement climatique a lourdement impacté la situation socio-économique des petits et moyens producteurs d’agrumes qui ont entamé la saison suivante avec des handicaps majeurs : des réserves financières insuffisantes pour couvrir les dépenses programmées, un endettement plus ou moins important auprès des banques et des commerçants d’intrants, des arbres fatigués d’avoir surproduit l’année précédente, la prochaine récolte connaitra certainement une baisse importante.

  • Sécheresse et désertification, exemple de l’élevage à Kébili

En Tunisie, les exploitations < 20 Ha couvrent moins des 40% des surfaces cultivées mais assurent 60% de l’élevage car elles abritent les deux tiers des bovins et plus de la moitié des petits ruminants[2]. Cela montre le rôle assuré par l’activité d’élevage pour protéger l’équilibre économique précaire des petites et moyennes exploitations.

Selon la revue sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Tunisie, publiée par l’ITES (Institut Tunisien des Etudes Stratégiques), le cheptel tunisien sera gravement entamé dans un avenir proche « Alors qu’on s’attend d’ici 2030 à une augmentation de la fréquence et de l’intensité des années extrêmes sèches, une succession de 2 à 3 années de sécheresse occasionnerait une baisse d’environ la moitié de la production oléicole en sec et des superficies de l’arboriculture en sec en général. Le cheptel (bovins, ovins et caprins) baisserait jusqu’à 80% au Centre et au Sud et de quelque 20% au Nord». Ces prévisions nous laissent entrevoir l’impact de cela sur les petits et les moyens agriculteurs, particulièrement ceux du Sud.

A Kébili, région aride du sud du pays aux portières du désert, l’élevage des ovins fait partie du mode de vie semi-nomade ancestral qui permettait jusqu’à récemment aux populations locales de subvenir à leurs besoins en viande et en produits laitiers et d’assurer une autonomie alimentaire minimale dans les conditions climatiques extrêmes. La production de laine contribuait également à élever le niveau de vie et à équilibrer les finances des ménages.

Habituellement, le troupeau familial est placé en pâturage dans le désert pendant les mois frais et humides, il est ensuite ramené au village et installé dans des enclos à proximité des habitations. Pendant cette période, les animaux sont nourris de fourrages. Cette transhumance permet aux paysans de limiter les dépenses faisant profiter leurs troupeaux des pâturages naturels, or depuis quelques années, le désert s’est « asséché » tel qu’en témoigne, Fatma, une mère de famille du village de Sabriaau Sud de Kébili« avant, j’envoyais mes quelques brebis au désert, mon fils allait à la fin du printemps me les ramener, je leur préparais du fourrage pour l’été. Aujourd’hui, je suis obligée de les garder toute l’année à la maison, je dépense plus pour les nourrir que pour nourrir mes propres enfants. ».La mère de famille se voit donc dans l’obligation de garder son petit troupeau à proximité et de le nourrir à ses frais, alors que le prix du fourrage et des aliments composés sont en constante augmentation et que la pénurie d’eau l’empêche de produire elle-même le fourrage nécessaire, l’équilibre est ainsi rompu.

La dégradation des parcours pastoraux est un problème majeur à l’échelle nationale, on note « une réduction alarmante des superficies des parcours dans le nord, le centre et le sud du pays. En effet, la contribution des parcours dans le calendrier alimentaire a chuté d’une manière dramatique (- 39% entre 1964 et 1990) créant ainsi un déséquilibre entre les besoins des animaux et le nombre d’unités fourragères permis par ces ressources »[3]. Cette dégradation touche en particulier le Sud et la région de Kébili, ou la désertification fait ravages malgré les efforts des populations locales et de l’Etat pour bloquer l’avancement des dunes. La disparition progressive du cheptel tunisien est en réalité déjà en cour par manque d’alimentation, et aucun dispositif d’adaptation n’est prévu pour aider les petits et les moyens agriculteurs à acclimater leur activité d’élevage. Il en résulte une dégradation grave du niveau de vie des paysans et une baisse de l’accessibilité des produits d’élevage aux populations (augmentation des prix, indisponibilité sur le marché).

Conclusion

Ces deux histoires issues de contextes paysans très différents offrent des illustrations intéressantes des impacts du changement climatique à l’échelle micro, celles des petites exploitations et des ménages ruraux. Des situations semblables sont vécues par des dizaines de milliers de paysans à travers la Tunisie sans qu’aucune mesure ne soit prévue par l’Etat Tunisien pour les aider à faire face au changement. La masse paysanne qui souffre d’ores-et-déjà d’une baisse grave de ses revenus, de l’absence de services publics suffisants, d’une augmentation importante de ses dépenses (due à l’inflation et au recours aux intrants importés) et de grandes difficultés d’accès à la terre et à l’eau, sera la plus gravement touchée par les effets du changement climatique, d’autant plus qu’elle occupe les régions les plus défavorisées de la Tunisie.

Sur le moyen terme, si des mesures d’adaptation sérieuses ne sont pas mises en œuvre, la détérioration de la situation de la paysannerie amènera progressivement à l’arrêt de l’activité et à la vente des parcelles. La rupture des équilibres précaires occasionnera la disparition de l’agriculture vivrière au profit de l’agriculture commerciale, des investisseurs et des grands propriétaires qui bénéficieront désormais des ressources. Les dispositifs d’adaptation sont nécessaires pour augmenter la résilience des petits et des moyens agriculteurs face au changement et les aider à maintenir et développer une agriculture diversifiée adaptée au climat. L’investissement public nécessaire à cette orientation se mesure à la part qu’occupe l’effort d’adaptation, en comparaison avec l’effort d’atténuation, dans le scénario adopté pour faire face au changement climatique.

Le bon élève tunisien a choisi d’axer sa « transition écologique » sur l’appui de la lutte contre les émissions de CO2 d’une industrie quasi-inexistante au lieu de répondre aux impératifs d’adaptation et de soutenir dans leurs crises populations rurales soumises aux effets du changement climatique.

par: Le Groupe de Travail pour la Souveraineté Alimentaire


[1] Un regard sur le marché mondial et tunisien des agrumes, Note de veille de l’Observatoire National de l’Agriculture, 2018.

[2]Chiffres du Groupement Interprofessionnel des viandes rouges et du lait GIVLAIT

[3] L’élevage extensif en Tunisie, disponibilité alimentaire et innovation pour la valorisation des ressources fourragères locales, A. Mohamed-Brahmi, R. Khaldi, G. Khaldi, Hal Archives Ouvertes.